Avec Stanley Février pour parrain et Halimatou Gadji pour Marraine 2023, le 39e Festival international de cinéma Vues d’Afrique a projeté en 11 jours (du 20 au 30 avril) 108 films en provenance de 39 pays. Entre projection, panel, débat, conférence, Vues d’Afrique a favorisé encore une fois la rencontre des cinéastes et des cinéphiles toujours autour du cinéma créole et africain. Un événement qui a permis à Halima Gadji de se livrer sans tabou sur différents sujets : Cinéma , Femme, Notoriété, Mariage, Star système, Proposition Indécente , Métissage, Maîtresse…
. Halima Gadji Bonjour !
– Bonjour !
. J’ai du mal avec ton prénom. Comment faut-il t’appeler : Khalima ou Halima ?
– (Rire) Mon prénom commence avec H. Je m’appelle Halimatou Gadji. Maintenant Khalima avec le K, ça veut dire la plume. En fait, quand j’étais plus jeune, je me suis donnée le pseudo de Khalima avec le K. Mais Halima avec H est un nom qui vient de la famille du prophète. C’était la nourrice du prophète. J’ai vu qu’il y avait un wikipedia qui commence avec la lettre K, je ne connais pas l’auteur, Mais je vais entreprendre les démarches pour corriger ça.
. On a également un peu de mal à cerner ton metissage. Explique-nous un peu de quoi il s’agit exactement ?
Je suis née d’un père Sénégalais et d’une mère marocaine-Algérienne. C’est ce qui explique mon lien avec ses trois pays. Et c’est quelque chose que j’aime bien.
. 39è éditions de Vues d’Afrique avec Halima Gadji comme Marraine. C’était important pour toi d’être à ce festival ?
– Oui, absolument. Il fallait être là pour vivre le festival avec tous les amoureux du cinéma et du cinéma africain particulièrement. Quand j’ai été désignée comme marraine, j’ai tout de suite accepté. C’était un honneur. Les échanges et les rencontres se font aisément dans un tel environnement.
. Tu as fais une apparition très fulgurante sur les petits écrans en Afrique. Mais dis-nous à quand remonte exactement tes débuts dans le cinéma et le monde de la télé ?
– J’ai commencé ma carrière exactement en 2013 en tant que mannequin, modèle photo et visage. Mais J’ai commencé le cinéma depuis 2015. C’est en 2015 que j’ai joué dans une première série qui s’appelle Tundu Wundu (ndlr : Un film d’Abdoulahad Wone), qui a d’ailleurs été primée au Fespaco en tant que meilleure série. C’est à partir de là que tout est parti et l’aventure a commencé avec des courts métrages.
. Mais qu’est-ce qui t’a amené au cinéma. C’était quoi le déclic ?
– Disons que c’était un rêve d’enfant. C’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé. J’ai toujours voulu être actrice. J’ai toujours voulu être dans le monde du cinéma…Et depuis toute petite, je n’arrêtais pas de dire cela à ma mère. Cette obsession, on peut dire que ça a gâché une bonne partie de mes études, pour ne pas dire toutes mes études. Parce que voilà, je n’étais pas très brillante à l’école, mais je sais que j’aurais été forte dans une école d’arts. Mis à part le cinéma, j’adore la peinture, le theatre, la danse aussi. Ce type d’école existe, mais ce n’est jamais évident de convaincre les parents en Afrique. Tous les parents en Afrique, veulent voir leurs enfants faire de longues études pour avoir des métiers très sérieux qui demandent beaucoup de diplômes. J’avoue que moi, on ne m’a pas vraiment écouté. On m’a toujours forcé à aller à l’école.
. Finalement, quand tu finis par embrasser le métier de cinéma, c’est quoi le regard des parents sur ton parcours ?
– Au début, ce n’était pas trop ça, parce que c’est un milieu qui ne rapporte pas beaucoup financièrement, donc m’a mère me demandait souvent si je ne perdais pas mon temps et si cela allait payer un jour. Mais moi, j’étais persuadée que cela allait finir par payer un jour et qu’il fallait juste de la patience.
. Le cinéma, depuis Sembène Ousmane, a beaucoup évolué. Est-ce que c’est toujours aussi mal vu d’être actrice?
– Non. J’avoue qu’aujourd’hui, c’est diffèrent. Il y a des gens qui sont de plus en plus acteurs par vocation. Ce sont des artistes qui veulent s’affirmer et exprimer leur art. Par contre, il y a d’autres qui sont juste attirés par le monde audiovisuel, en quête de buzz. Il y en a de toutes sortes. Il y a ceux qui viennent dans le métier par passion et ceux qui viennent juste pour la renommée. Mais les gens savent faire la différence.
. …
– Dans le cinéma africain en général, toutes les femmes ne partagent pas les mêmes problèmes. Par exemple, quand tu vas aujourd’hui en Afrique du Sud ou au Nigéria, il y a de grandes réalisatrices, de grandes productrices et des actrices qui sont à la fois productrices de leurs propres projets. Et il y a beaucoup plus de financement et moins de propositions canapé. Je n’ai jamais entendu des actrices de ces pays-là se plaindre de ça. C’est vrai que maintenant en Afrique francophone, c’est difficile. Si on met de côté le Burkina Faso qui a une culture cinéma, les seuls pays qui produisent des séries, c’est la Côte d’ivoire et le Sénégal….
. Tu parles de propositions canapé. Est-ce quelque chose que tu as connu ?
– Absolument ! Et je ne suis pas une exception. Après MAITRESSE, je suis devenue le fantasme de tous les hommes. C’est incroyable le nombre de propositions indécentes que j’ai reçues… Du coup, quand on écrit des projets ça n’aboutit pas. Parce que je ne cède pas à ça.
. Et de toutes les propositions, il n’y avait pas une de sérieuse susceptible de déboucher sur un mariage ?
– (Rire et large sourire) Humm (l’air sérieuse) pour le moment, je suis focus sur le travail. Je ne cherche vraiment pas à me marier maintenant.
. On le sait, ta carrière a connu une grande ascension avec ton rôle de Marème Dial dans la série Maitresse d’un homme marié. Qu’est ce qui a favorisé cela?
– J’avoue qu’avant MAITRESSE j’avais fait deux à trois productions, notamment une qui est passée sur Netflix. Elle y est encore. Deux courts métrages… mais MAITRESSE a été la porte qui m’a permis de m’ouvrir à l’international et à la diaspora. C’est vrai que les choses sont allées plus vite après mon rôle dans MAITRESSE …
. Tu as tellement su entrer dans ce personnage de Maitresse que certains fans se demandent si tu n’étais pas réellement amoureuse de ton partenaire de jeu ?
– (Éclats de rire) Il est vrai que ce rôle m’allait à merveille. Je me suis sentie bien sur le plateau de tournage et j’ai donné le meilleur de moi-même. À part ça, Cheick et moi on ne se voyait uniquement que sur le plateau. Mais c’est un très bon ami aujourd’hui et un très grand acteur.
. Cette notoriété est venue avec son lot de potins… et les gens ont découvert du jour au lendemain ton traumatisme. Quelle place occupe la santé et la charge mentale dans le métier que tu fais ?
– Ce n’est pas du tout un sujet tabou pour moi…. C’est vrai qu’après, le cinéma, c’était une échappatoire. C’était juste pour soigner cette maladie qui, à travers un rôle, pouvait me permettre de canaliser ça. Maintenant, quand tu deviens une personne publique et que tu as un rôle connu, les gens idolâtrent ton personnage au détriment de ta personne. Et ça devient très dur pour moi de me détacher du personnage de Marène, car les gens voulaient coûte que coûte que je sois Marène. Même quand les gens me croisaient dans un ascenseur voir même à l’hôpital, il fallait que je sois Marène et non Halima. Donc, c’était difficile parce que j’en suis arrivée à perdre mon identité et cela m’a causé beaucoup de trouble. D’où ma grosse dépression qui s’est vue sur les réseaux sociaux. À partir de ce moment-là, la santé mentale est devenue un sujet que j’aborde haut et fort, partout et sans tabou. Mais malheureusement, au Sénégal et en Afrique en général, il n’y a pas assez de prise en charge pour les artistes dans cette situation. Les décideurs n’ont pas encore pris connaissance de l’ampleur du problème sur la création artistique.
. Halima Merci !
– Merci à TopVisages Live !
Interview réalisée à Montréal par Dramane K. Denkess